mercredi 18 juin 2008

Ma success story

Il y a des fois où l’on se découvre des talents cachés dont on se passerait bien volontiers, au profit d’autres qualités plus gracieuses. Comme mon talent pour le lancer de poids, découvert avec grande surprise en cours de sport de Première, lorsqu’on nous a donné la consigne « lancez-le le plus loin possible ». Ainsi, alors que j’aurais rêvé de pouvoir faire le grand écart ou tout simplement me pencher en avant tout en restant droite lorsque je suis en position assise, mon corps s’est révélé plus apte à lancer des choses lourdes le plus loin possible. Génial. Le sport le plus inutile et moche au monde. Autant vous dire que je me suis bien gardée de suivre ce chemin pourtant prometteur et qu’il est certains naturels que l’on peut chasser sans qu’ils ne reviennent au galop.

Je suis pleine de qualités inutiles, comme celle d'être dotée d'une mémoire démesurée pour les détails insignifiants, les histoires qui ne me concernent pas et même celles auxquelles je n'ai pas assisté.
Mais après tout, on nous met en tête qu'il faut être efficace à tout prix, alors que finalement, je ne suis pas d'accord avec ces principes de rentabilité cérébrale. Je resterai donc celle que je suis, avec une mémoire sélective (parce que ça ne s'est jamais appliqué au domaine scolaire) qui ne mène à pas grand chose à part à constater l'écarquillement des yeux de mes interlocuteurs lorsque je dis "Mais si ! Tu étais là ce jour-là et tu avais même remarqué que la petite soeur de ce type qu'on ne connaissait pas ressemblait à Brad Pitt en moche ! Tu te souviens pas ? Mais quand même, on avait 7 ans, c'est pas si vieux... "
J'ai d'ailleurs longtemps cru que c'était tout à fait normal de se souvenir des spectacles de la crèche (sans photos à l'appui), puisque ma chère amie Z. est pareille que moi. Sauf que non, elle est simplement aussi maniaque (voire pire).
Mais je m'égare - il s'agissait là d'aborder les qualités insoupçonnées dont je semble disposer.
Ainsi, il y en a une dont j'ai très récemment fait la découverte et que je peux désormais officialiser, puisqu'elle s'est vérifiée à plusieurs reprises : je remporte un certain succès auprès des manutentionnaires.

Je ne suis probablement pas la seule, je le conçois ! Et, j'aurais pu faire plus original, il est vrai. Mais y en a-t-il beaucoup qui peuvent se vanter de recevoir des cadeaux réguliers de leur part ?

Tout a commencé lors de mon premier travail : hôtesse d'accueil à la garde d'Austerlitz où j'annonçais aux voyageurs que leur train n'allait pas plus loin pour cause de travaux. Merveilleux été caniculaire de 2003... Cela n'a cependant pas rebuté le livreur de fruits du marchand de la gare, qui m'offrait régulièrement une pomme, une banane... Ca me laissait déjà perplexe à l'époque, à vrai dire.

Ce même été, le manutentionnaire des distributeurs automatiques (je casse tout de suite le suspens, il ne s'agit pas d'argent mais de boissons et sucreries) m'avait offert un Kinder Bueno. Mon air gourmand ? Sûrement...

Cette première expérience professionnelle m'a donc appris plusieurs principes de société qui m'ont été utiles par la suite (je sais, je digresse une fois de plus et le pire, c'est que vous n'apprendrez rien en lisant ces principes) :
- les gens ne sont plus des êtres humains dès qu'ils sont en extérieur (la chaleur et l'effet de masse amplifie ces comportements)
- les gares sont glauques et il y a un véritable eco-système qui s'y est créé, les clochards ont leur place attitrée et les gens semblent avoir le droit d'être agressif parce qu'ils sont pressés (comme dans tout endroit où il faut faire la queue, d'ailleurs)
- rares sont les travailleurs qui ne détournent pas le système (vous-même êtes concernés puisque vous lisez, écrivez vos mails personnels depuis votre travail et y êtes peut-être même maintenant...)
Il n'y a pas de tiret pour mon succès auprès des manutentionnaires puisque je n'en savais encore rien.

Je suis d'accord, tout ceci est un peu longuet, je passe donc sur cinq ans de ma vie et vous épargne mes expériences de vente de maillots de bain, de réserves de chaussures et de call centers, pour en arriver à mon travail actuel (mince, je ne suis pas sûre d'avoir le droit de citer. Bon il s'agit d'une institution nationale dont le champ d'action est culturel et artistique. C'est un grand endroit) où j'ai pris des photos d'employés en même temps que des bureaux magnifiques que nous quittions (à cause de Sophie Calle - à vous de mener l'enquête pour retrouver le lieu - ce n'est pas Beaubourg).
Aucun de ces employés de surface ne m'a reparlé de ces photos, ni même ne semble me reconnaître. Mais celui qui travaille pour la maintenance de plein de choses n'a, depuis lors, manqué aucune occasion de me saluer ou même de s'assurer que je vais bien. Chose que je fais en retour, la politesse ne m'incomode pas, bien au contraire.

Cependant, que faire lorsque les relations superficielles et tout à fait satisfaisantes ainsi se retrouvent bouleversées par le don d'un cadeau ?
Je me suis ainsi retrouvée abonnée aux cannettes de jus de fruits en tous genres, moi qui n'aime pas les sodas et autres boissons concentrées en sucres, colorants et arômates...
Hier, j'ai eu droit à une petite bouteille d'eau en prime (ça, ça m'a fait plaisir).
Cette situation est une impasse ! J'ai toujours un amateur de ces cadeaux autour mais quand même !
Impossible de dire que je n'aime pas ça, ce serait méchant. Je me contente de dire que c'est gentil et je reste toujours perplexe face à ces offrandes...

Alors voilà, quand on est petite, on rêve d'un prince charmant qui viendra nous chercher sur son cheval blanc. Puis on grandit, et on reçoit des jus de fruits industriels.

mardi 3 juin 2008

Fin de semestre, ou comment éviter de travailler en s'abrutissant


Ce premier post a été le fruit de longues hésitations. De quoi parler ? Comment ?
Au moins, le titre du blog ne me fait pas prendre trop de risque, donc à priori, je peux aborder n'importe quoi, sous couvert de ne pas me prendre au sérieux. Et c'est là, maintenant et tout de suite que mon mini ego doit travailler contre son gré, pour ne pas refouler l'envie qui me brûle les mains de parler de mon intérêt le plus ridicule du moment ; j'ai nommé, la seule, l'unique, la grandiose... Céline Dion.

Tout a commencé lorsque j'ai cherché à éviter à tout prix de me lancer dans l'écriture de mon mémoire. Pas difficile, me direz-vous, de ne pas écrire son mémoire ; il suffit de faire tout ce qu'on fait d'habitude et d'ignorer cette obligation. On peut même faire des choses intelligentes à la place. Sauf que les choses ne sont pas si simples lorsqu'on est une personne dévorée par la culpabilité et la crainte de l'échec dès qu'on passe le pas de la porte pour faire autre chose qu'aller travailler, emportant avec soi le poids du travail non fait.
Aussi, pour éviter ce sentiment insupportable, pleine de bonne volonté, je reste chez moi et dis adieu à ma vie culturelle et sociale pendant un certain temps.

Mais, comment puis-je imaginer travailler en continu, en dehors des mes 10h quotidiennes de boulot ? Je ne l'imagine pas, je l'espère. Et j'attends le déclic, le moment où je me dirai "Eurêka !", à la manière du petit frère dans "Chérie j'ai rétréci les gosses" (chacun ses références).
Il est vrai que j'ai quand même cette excuse d'être extrêmement occupée et fatiguée - j'ai le droit à un peu de répit de temps en temps. Répit qui a été, en cette fin de semestre, incarné par Céline Dion et deux de ses chansons.

Attention ça se corse : il y a d'abord la chanson "Pour que tu m'aimes encore", dont j'avais complètement oublié l'existence et tous les souvenirs de CM2 auxquels elle était associée. Prise dans l'engrenage du divertissement que ça produisait sur moi, je me suis donné pour objectif d'imiter sa voix, parce que la guimauve, ça me fait beaucoup rire. Et surtout, imiter les gens, c'est encore plus drôle. Je savais que Céline était un "sacré numéro", à l'origine de nombreuses imitations, mais je n'en avais jamais véritablement pris la mesure. Un nouveau monde de distraction s'est ouvert à moi, et de quelle richesse ! Les vibratos et les murmures de sa voix, l'accent sur le son "m" et sa drôle de prononciation (je sais, c'est pas drôle, c'est québécois), que d'eléments à travailler ! Comprenez qu'il me fallait absolument avancer là-dessus afin d'en être débarrassée et même libérée, pour ne me consacrer finalement qu'à mon mémoire -oui, c'est de ça qu'il était question, à l'origine.

Un replacement des choses dans leur contexte (un autre !) me semble indispensable avant de pouvoir aller plus loin. M'isoler chez moi, ça ne veut pas vraiment dire « être coupée du monde », puisque mes colocataires D. , M. et S. sont là, avec une palme pour S. , gardien du phare.
D. et S. ont une tendance musicale assez douteuse, parfois. Au lieu de me sortir de ce gouffre complètement insensé, ils m'ont enfoncée dedans, en réclamant toujours plus, ou en me tentant de mettre la chanson. Il m'est difficile de comprendre pourquoi un tel divertissement. C'est probablement la niaiserie que tout cela m'évoque qui était si tentante et rendait l'échappatoire si accessible...

C'est ainsi que, tombant dans le vice absolu, je me suis plongée dans la source infinie de YouTube... Heureusement, je suis rapidement tombée sur une vidéo qui fut pour moi une révélation et me permit d'éviter toute dispersion (entendez par là : je ne me suis plus intéressée qu'à une seule chanson. Monomaniaque, dites-vous ?).

http://www.youtube.com/watch?v=CCOSWkrmb1E

I'm alive, que je ne considérais même pas comme pouvant atteindre mes oreilles sans qu'il ne s’agisse d’une agression quasi-fatale, est devenu mon partenaire infernal, provoquant chez moi des réactions très inattendues (rires, imitations intempestives, etc.) . Il me fallait regarder cette vidéo, encore et toujours. Une fois de plus, D. et S. ont été là pour m’enfoncer dans ce tunnel infernal de l’addiction à une musique dépourvue de tout intérêt artistique.

C’est là que j’ai eu une apparition : Céline Dion est une chanteuse pour les moches, auxquels elle dit « You’re looking good ! ». Je mets quiconque au défi de me contredire après la vision de cette vidéo !
Ne voyez pas de mépris vis-à-vis des gens moches dans mes propos, ni même de prise de position. C’est un constat. Mais elle fait en sorte que ses fans se sentent bien (voyez cette fille tapant dans ses mains en souriant à la caméra. Ca, c’est communicatif ! ), bref Céline Dion prend soin de son public.
Bien plus que Sophie Calle, par exemple, qui a justement pour slogan de son exposition actuelle « Prenez soin de vous » et qui ne fait que nous montrer à quel point elle évolue dans des sphères complètement inaccessibles au commun des mortels.
Au moins, Céline Dion, elle était moche et maintenant elle est belle. Sa vie est une success story incroyable ! (dixit D. ) Cœur de pierre que je suis, ça ne m’émeut pas trop, contrairement à D. et S.

Observez ces expressions surprenantes, elle semble très en forme ! Mais quelle mouche l’a donc piquée ?! Est-elle donc une bête de scène ? Cela expliquerait le fait que ses concerts à Las Vegas aient affiché complet pendant 5 ans, 3 fois par semaine…

Réfléchissant à la substance qui pouvait être à l’origine d’une telle énergie, S. a rétorqué : « Mais elle est shootée au bonheur cette meuf ! » et de poursuivre « Mais elle est tout simplement heureuse, elle vit les choses pleinement, c’est génial ! ».

Nos chemins sur la route de Céline se sont séparés à ce moment-là, alors que j’éclatais d’un rire démoniaque.
J’ai laissé mes colocataires perplexes, incarnant désormais l’aigreur à leurs yeux.
D’accord, je me moque d’elle dès que je la vois bouger la tête sur le côté en raidissant ses épaules, je ris aux éclats quand elle ponctue ses phrases par « oh yeah », je m’esclaffe face à son baiser qu’elle envoie à la caméra et pour peu qu’on aime le comique de répétition, il n’y a qu’à cliquer sur cette flèche retournée « over and over again »…

Je me souviens encore de ma redécouverte il y a quelques semaines, où je n’avais que des souvenirs d’enfance qui me venaient à l’esprit, et voilà ce que je suis devenue : encore plus névrosée.
Mais qu’est-ce que j’ai ri…
Mon mémoire ? Ca avance… Mais je m’inquiète pour le prochain semestre et pour mon attirance irrémédiable vers ce qui est dénué d’intérêt dans ces moments-là : qu’est-ce qui pourra surpasser Céline ?
Des cours intéressants peut-être.

Crédits photographiques : Sam